Note de position du BCME sur la « Feuille de Route E?conomie Circulaire (FREC) 2018 »
Actualités
25 mars 2018
Cette annonce intervient alors même que la filière des canettes s’est structurée depuis plusieurs
années pour renforcer la collecte et le recyclage de ses emballages pour atteindre un taux de
recyclage des emballages métalliques de 77 % en 20171, soit une progression de 50 % en 15 ans.
La création d’un nouveau système pour accélérer la collecte d’emballages boisson doit donc être
étudié avec attention pour ne pas freiner l’implication et les investissements réalisés de longues
dates par l’ensemble des parties prenantes qui ont concouru à l’augmentation du taux de recyclage
des emballages en métal : industriels, structures de l’économie sociale et solidaire en charge de la
collecte, associations caritatives, collectivités locales, etc.
1) L’industrie de la canette en France
La Boîte Boisson regroupe les trois principaux producteurs d’emballage boisson en Europe : Ardagh
Group, Ball Packaging Europe et Crown Bevcan Europe, ainsi que les fabricants de métaux
ArcelorMittal et Constellium. La filière représente par ailleurs 4 000 emplois directs et indirects
répartis dans 28 usines et centres de Recherche et Développement sur tout le territoire français.
La France produit et consomme 5,1 milliards de canettes par an, parmi lesquelles 67 % de soft drinks
et 33 % de bière. Près de 70% des Français consomment des boissons en canettes, à tout moment de
la journée avec une prédominante l’après-midi. Le hors foyer représente 27 % des volumes de
canettes consommées en France.
2) La canette, un exemple concret de l’économie circulaire
Lorsqu’elle est triée, il faut moins de 60 jours à une canette, qu’elle soit en aluminium ou en acier,
pour qu’elle soit recyclée sous la forme d’une nouvelle canette ou tout autre produit en acier ou en
aluminium.
Grâce au geste de tri des Français, 77 % des emballages en métal sont aujourd’hui recyclés. Chaque
canette recyclée permet de faire des économies substantielles de matières premières (bauxite,
minerai de fer), d’énergie (de -75% à -95 %), d’eau (jusqu’à -40%) et de CO2 rejeté.
Des efforts très importants ont également été portés sur l’économie à la source du métal, en effet
aujourd’hui le poids d’une canette est 35 % plus léger qu’il y a 25 ans.
La canette présente un autre atout indéniable sur le plan environnemental : elle est recyclable à
l’infini, sans que le métal dont elle est constituée, aluminium ou acier, perde ses propriétés
mécaniques intrinsèques (malléabilité, solidité, aspect, etc.) et ce, quel que soit le nombre de cycles
de recyclages effectués.
3) Retour d’expérience sur la consigne dans les autres pays
Implantée dans toute l’Europe, l’industrie de la canette a su tirer les enseignements de la mise en
place des différents systèmes de collecte : ce qui fonctionne bien dans certains pays ne peut pas
toujours être dupliqué à l’identique dans un pays voisin.
La filière des canettes a mené plusieurs études pour évaluer les effets écologiques, économiques et
comportementaux de la consigne dans les pays où elle a été mise en place. Ce retour d’expérience
nous amène à soulever plusieurs points de vigilance dans la réflexion portant sur la mise en place de
la consigne en France.
a) Mesurer les impacts économiques de la mise en place de la consigne
Plusieurs études démontrent le coût engendré par la mise en place de la consigne : coût du recyclage
multiplié par 82, surcoût par rapport à la collecte sélective3, etc. La Deutsche Pfandsystem GmbH, les
producteurs et distributeurs allemands considèrent que le dispositif de la consigne est très onéreux
(700 M€ d’investissements) pour un gain environnemental faible (+10 points de collecte pour 3% des
emballages ménagers ou non mis sur le marché).
La mise en place d’un système de consigne en parallèle d’un système de collecte sélective pré?-
existant génère toujours un surcoût puisque les nouveaux coûts du système de consigne
s’ajouteraient aux coûts de la collecte sélective. Certains relèvent que la mise en place de la consigne
entraîne des économies sur la collecte, néanmoins, comme le reconnaît l’ADEME, les études
disponibles modélisent généralement mal la baisse de coût de la collecte sélective liée aux
diminutions de tonnages qui sont détournés par la consigne.5.
Par ailleurs, la consigne met en place une forme de détournement des emballages boisson à forte
valeur, comme l’aluminium et l’acier, du flux des emballages collectés par les collectivités ce qui
représente un manque à gagner important pour ces dernières : L’AMF estime à 25 % les pertes de
recettes pour les collectivités si une consigne était mise en oeuvre (de l’ordre de 150 Millions € entre
le plastique et l’acier et l’alu). En effet, l’aluminium et l’acier font partie des matériaux les moins
coûteux à collecter et recycler et disposant d’une très forte valeur à la revente en comparaison
d’autres matériaux d’emballage. En France, l’aluminium issu des centres de tri est revendu en
moyenne 500 €/tonne, et l’acier 80 €/tonne. Au Royaume-Uni, Valpak a calculé le coût net relatif au
tri des matériaux : le papier représente le coût le plus faible avec 18,04 livres, l’acier arrive juste
derrière avec 28,49 livres, suivi du verre à 82,61 livres et le plastique à 213,32 livres, soit 7,5 fois plus
que l’acier ! Compte tenu de sa valeur, l’aluminium engendre un gain net de 487,69 livres.
Les collectivités et les industriels ont procédé à de lourds investissements pour moderniser le parc
des centres de tri en France. L’équilibre économique (montant des investissements et recettes liées à
la revente des matériaux) a été calculés sur la base du périmètre actuel des matériaux d’emballages
triés. Le retrait d’une partie du gisement à forte valeur de ce périmètre peut donc remettre en cause
les investissements déjà engagés.
En Allemagne, la mise en place de la consigne a posé des problèmes de fraude, notamment par
l’importation massive de canettes et bouteilles du Danemark, de Lettonie et de Pologne qui sont
revendues en Allemagne sans consigne. Ces emballages importés sont principalement vendus dans
les grandes villes dans les kiosques, les fast-foods, les snack-bars, ou encore les épiceries ouvertes
jusque tard le soir.
Cela représente un avantage concurrentiel notable pour les revendeurs qui pratiquent ces ventes
illégales puisque les clients ne payent pas la consigne et le savent : ils payent donc moins cher et ne
sont pas tenus de rapporter leur emballage (qui de toute façon ne serait pas repris par les machines).
Mais dans de nombreux cas, les revendeurs escroquent leurs clients en leur faisant payer la consigne
(25 centimes) alors que leurs bouteilles ou canettes ne seront pas reprises.
b) Mesurer les impacts industriels
L’exclusion de certains matériaux d’emballage boisson du périmètre de la consigne risque d’entraîner
un effet de report d’un emballage sur un autre. Ainsi, à partir de la mise en place de la consigne en
Allemagne, le PET n’a cessé de progresser pour passer de 7,1 % des volumes de boissons sans alcool
en 2000 à 51 % en 2006 (le volume des boissons a progressé dans le même temps de 26 milliards de
litres à 33 milliards de litres6).
Parallèlement, le volume de canettes a brutalement chuté en passant de 3,1% des volumes en 2000 à
0,3 % en 2006 alors même que les canettes en métal sont 100 % recyclable à l’infini, ce qui n’est pas
le cas du PET.
Cette progression fulgurante du PET à usage unique s’explique en partie par l’effet prix de la
consigne pour les consommateurs : le montant de la consigne est d’autant mieux accepté qu’il est
inférieur au prix de vente du produit.
Ainsi, dans le cas où une consigne de 25 centimes d’euros est appliquée à une canette de soda de
15cl vendue à 40 centimes, la consigne représente 60 % du prix de la boisson, tandis qu’une consigne
de 25 centimes sur une bouteille de 2L de soda vendue 2 euros ne représente plus que 12 % du prix
de la boisson. Par ailleurs, c’est le consommateur qui devra avancer le coût de la consigne soit un
peu plus de 4 Milliards d’euros (à 25 centimes par emballage) et cela agira comme un « gel » de son
pouvoir d’achat, sachant qu’il y a toujours un déficit de retour des emballages consignés pouvant
varier entre 10 % et 30 %.
Le report des consommateurs vers de plus grands volumes ne les incitera pas non plus à mieux doser
leur consommation quotidienne de boissons sucrées par ailleurs.
c) Mesurer les impacts pour le consommateur
La mise en place de la consigne va complexifier le tri pour les habitants, notamment dans les grandes
villes, qui font pourtant partie des cibles prioritaires. En effet, les habitants devront :
• stocker leurs emballages boissons vides, sans pouvoir les compacter pour gagner de
la place au risque que le code barre ne soit plus lisible dans les machines de
déconsignation. Ce qui, au regard de la contiguïté des espaces dans les grandes villes
(habitat vertical, cuisines réduites), est très pénalisant pour ces habitants.
• prévoir de se rendre spécifiquement et régulièrement dans un magasin pour
procéder à la déconsignation : les habitants des grands centres urbains qui n’ont pas
de voiture et se déplacent à pieds risquent d’être rapidement découragés par le
nombre d’allers/retours à effectuer.
• patienter pour retourner leurs emballages devant les machines, puis patienter en
caisse pour récupérer la monnaie car les machines de déconsignation ne délivrent
pas de monnaie mais un ticket de caisse avec le montant total correspondant à la
consigne des emballages retournés.
Les consommateurs font de plus en plus souvent leurs achats via des Drive ou se font livrer à
domicile, à quel endroit les consommateurs pourront rapporter leurs emballages boisson ? Les
enseignes de distribution classiques accepteront-elles des emballages qui n’auront pas été vendus
dans le circuit traditionnel ?
Beaucoup d’habitants risquent de se décourager face à la logistique contraignante de la consigne en
comparaison de la collecte sélective en porte à porte et ne rapporteront pas leurs emballages.
335 570 tonnes de bouteilles plastique et canettes métalliques sont consommées à domicile contre
39 140 tonnes hors domicile7. Ces données indiquent que la très grande majorité des emballages
peuvent donc être triés très simplement, à domicile, via la collecte sélective.
d) Mesurer les impacts pour les distributeurs
La mise en oeuvre de la consigne requiert de la place dans les magasins (surface occupée par les
machines et utilisée pour stocker les emballages retournés). Outre le coût de l’espace, cinq études
prennent en compte la perte de chiffres d’affaires afférente à la perte d’espace. Cette perte de
chiffre d’affaires varie fortement d’une étude à l’autre : de 280 euros par m2 à 3416 euros par m2, ce
qui représente entre 0,32 et 4 centimes d’euros par emballage consigné.8 Les plus petites surfaces
seraient évidemment les plus pénalisées dans ce système.
A ces coûts s’ajoutent ceux relatifs aux investissements qui peuvent varier de 15 à 50 000 euros par
machine selon les études. A ces coûts s’ajoutent généralement des frais d’installation d’environ 10 à
15 %. La durée de ces investissements est comprise entre 5 et 10 ans selon les études et les taux
d’intérêt entre 5 et 7 %. Enfin les coûts de maintenance représentent environ 10 % de
l’investissement initial.
e) Mesurer les impacts environnementaux
De récentes études confirment que la mise en place de la consigne n’a pas eu d’impact sur la
réduction des déchets sauvages : les quantités de déchets sauvages collectés le long des autoroutes,
voies rapides et stations-services dans le Land de Nordrhein-Westphalen ont même augmenté entre
2003 et 2005. En dépit de la consigne obligatoire, la ville de Francfort présente, par rapport aux
autres villes européennes, le volume le plus important d’emballages boissons dans ses déchets
sauvages10.
L’effet de la consigne est d’autant plus limité que les emballages boissons, bouteilles en verre ou en
plastique, briques et canettes, ne représentent que 0,45 %11 des déchets abandonnés dans l’espace
public. De récentes études effectuées en 2016 en Ecosse et en 2014 en Grande-Bretagne évaluent à
3,5 % et 1,8 % la présence de canettes dans les déchets sauvages, ce qui est assez faible.12
L’étude ARIADNA (Espagne) démontre que l’analyse de cycle de vie de 2 systèmes coexistant
(REP+consigne) a un impact environnemental supérieur à la REP seule, les quelques points de taux de
recyclage supplémentaires ne compensant pas l’impact du fonctionnement de la consigne :
transports additionnels, et donc émissions de CO², liés à un système de collecte parallèle au circuit
existant, énergie nécessaire au fonctionnement de machines de déconsignation.
Par ailleurs, nous ne partageons pas la position qui consiste à imaginer que la mise en place de la
consigne pourra générer des revenus aux personnes démunies qui ramasseraient les emballages
dans la rue. Cette position engendre des problèmes sanitaires (absence d’équipements, risques
sanitaires) et moraux (abandon volontaire de ses déchets au prétexte que cela génère des revenus à
certains).
L’abandon de déchets relève d’un problème comportemental mais pas d’un problème de produit.
4) Soutenir les initiatives existantes pour faire grimper le taux de recyclage
La Boîte Boisson défend d’autres alternatives pour faire progresser le taux de recyclage des
emballages boisson, car l’expérience montre qu’il vaut toujours mieux développer le système
existant que de le remplacer par un nouveau :
• l’extension des consignes de tri à tous les emballages afin de faire progresser le taux global
de recyclage des emballages ménagers. Ceci permet d’augmenter le périmètre des déchets traités
par les éco-organismes et d’utiliser les infrastructures en place. C’est l’option choisie par l’Autriche,
qui a gagné 10 points de collecte sur les bouteilles en PET grâce à l’optimisation de la collecte
sélective chez les ménages (« sustainability agenda”).
• la lutte contre les déchets sauvages doit passer par un renforcement des amendes comme
l’autorise le Décret du 25 mars 2015 relatif à l’abandon d’ordures et autres objets14.
• le déploiement de la collecte sélective en hors foyer (entreprises, événements, lieux publics
de type gares ou aéroports). La collecte sélective est peu présente dans le hors foyer, ce qui
représente un frein majeur pour les citoyens. La ville de Paris et Citeo ont annoncé fin novembre
2017 le déploiement de nombreux bacs de collecte dans les aéroports, les jardins publics, etc. La
continuité du geste de tri à l’extérieur du domicile est un objectif qui doit être soutenu.
Pour développer le tri hors domicile, les professionnels de La Boite Boisson ont créé un dispositif
unique en son genre dans le domaine de l’emballage : « Chaque Canette Compte ». Ce programme,
lancé il y a déjà 8 ans en France a acquis un large spectre d’expériences dans le recyclage hors foyer
et permet de faire évoluer le comportement des consommateurs à travers la présence de collecteurs
sur les lieux de travail et de groupes de bénévoles pour collecter les boîtes boisson sur les grands
événements. Ainsi, depuis son lancement, 14 000 boxes de collecte ont été données gratuitement à
44 partenaires à travers toute la France, issus de l’économie sociale et solidaire et du monde des
start-up. Plus de 2 000 sites couvrant la totalité du périmètre hors foyer sont équipés en permanence
de ces box (écoles, lieux publics, entreprises…) et près de 700 événements ont été couverts dont les
plus prestigieux comme les 24H du Mans, Le Tour de France, La Braderie de Lille ou encore Paris
Games Week.
Depuis son lancement en 2010, ce programme a permis de sensibiliser plus de 13 millions de Français
au recyclage des canettes et de recycler 55 millions de canettes (équivalent à 1 000 tonnes de métal),
économisant ainsi jusqu’à 9 000 tonnes d’émission de CO2. Il a reçu le soutien de Citeo et de Coca-
Cola France.
• Poursuivre le travail de modernisation des centres de tri avec les producteurs, les
opérateurs et les collectivités pour gagner des points de recyclage. En tant que membres du Projet
Métal porté par le Club de l’Emballage Léger en Aluminium et en Acier (CELAA), les professionnels de
la filière travaillent en lien étroit avec les centres de tri pour extraire les canettes des déchets
ménagers. Ils contribuent à les équiper en séparateurs à courant de Foucault pour trier les canettes
en aluminium, et les collecter pour recyclage. En ce qui concerne les canettes en acier toutes les
canettes collectées sont extraites par bande magnétique et recyclées à 100%.
• Accélérer la rationalisation des centres de tri : nous avons en France 220 centres de tri pour
66 millions d’habitants contre 50 centres de tri pour 82 Millions d’habitants en Allemagne. Or l’on
sait que les centres de tri de faible capacité ne sont pas efficaces pour bien traiter l’ensemble des
emballages et des matériaux. Développer un réseau plus rationnel basé sur de plus grands centres de
tri permettrait d’investir dans du matériel moderne qui conduirait à mieux trier, à améliorer la
qualité et donc d’avoir plus de matériaux à revendre à un meilleur prix et enfin pour les collectivités
de diminuer la mise en décharge.
• Développer un véritable plan de communication auprès des français pour mieux leur faire
comprendre l’importance du tri sélectif et les moyens mis en oeuvre, et il est important de le faire au
niveau local.